Comment un patient en situation anxiogène, pour mieux la supporter, tente l’autohypnose

Comment utiliser les techniques d'autohypnose pour réguler le stress périopératoire.

Patrice Marvanne, Formation,
Conseil & Coaching/burn-out

L’annonce d’une complication post-opératoire chez le patient en salle de réveil, lui provoque assurément un état anxiogène important.
Sa pratique de l’auto hypnose pourrait-il lui donner la possibilité de réduire ou non, cet état durant les actes postopératoires ?

Rôle de la prévention en psychologie

Il y a fort longtemps, encore adolescent et après avoir lu quelques articles de presse relatifs au magnétisme animal, à Freud et à l’Ecole de la Salpêtrière, très probablement sans y comprendre véritablement quelque chose, l’hypnose commençant à m’intriguer et, dans l’obligation de me faire enlever une dent de sagesse je me rendis vaillamment mais aussi à reculons…. (faut vous dire que je ne suis pas un grand courageux !) vers l’hôpital de la Salpêtrière pour voir pour de bon ou pour du mauvais, ce que cela peut faire que de se faire arracher sous hypnose une vilaine dent.

Sourire et refus des professionnels…et immense soulagement de ma part : il y a de cela une cinquantaine d’années. Les années passant, mon intérêt pour l’hypnose Freudienne s’est estompée peu à peu pour passer aux étonnantes oubliettes de la vie. Néanmoins de par mon activité professionnelle de consultant /coach, il me fut donné l’opportunité de me former et de lire quelques ouvrages relatifs aux travaux de R.Bandler et J.Grinder, d’Eric Berne ainsi que de l’Ecole de Palo Alto.

Tombé par hasard (le hasard c’est Dieu qui se promène incognito : Albert Einstein : 1879- 1955) sur le « Traité pratique de l’hypnose* » je me promis de replonger dès que j’en aurai suffisamment le temps dans cette hypnothérapie, dite Ericksonienne.

C’est alors que la maladie, avec son lot de douleurs, d’inquiétudes et d’incertitudes sur les années restant à vivre, vint bouleverser tous mes projets. Et là, je n’étais vraiment pas préparé à cette maladie ni à ses dommages et conséquences.

L’annonce diagnostique

Ça y est ; cette saloperie de maladie m’est tombée dessus, il me semblait que c’était pour les autres ; mais non, pas de passe droit ni privilège. Le mot est lâché, « vous avez un cancer ! »…cinq lettres ! A cette annonce, je ne saurai dire si ce fut un état de transe ou tout autre chose d’indescriptible, mais vous voilà dans un vide intérieur, noir, c’est une chape de plomb qui vous tombe dessus et dans laquelle vous voilà ensevelie avec un seul mot qui résonne en écho …combien de temps….combien de temps… combien de temps… Alors même que me voici hospitalisé, devant faire face à ma phobie des piqures… le médecin oncologue me propose l’intervention d’une infirmière hypnotérapeute pour me soulager de cette anxiété récurrente et bien entendu irraisonnée où l’évitement n’est en aucun cas possible ou bien se cacher sous le lit, mais il faut oser, ou même sous les draps mais ça se voit et ne change rien au problème.

Bien qu’ayant recours à la pause de patch Emla® comme demie-solution, (que je suggère pour les enfants et les grands, mais bien qu’étonnamment les recommandations soient de 30 min, un bon gros quart d‘heure supplémentaire donne de meilleurs résultats) ceci ne me faisait pas redescendre les tensions : celle artérielle et celle psychique.

Le hasard m’aurait-il souri : en plus d’avoir trouvé le livre sur la pratique de l’hypnose, voilà que je vais être hypnotisé (Le hasard ne sourit qu’aux esprits bien préparés : Louis
Pasteur 1822-1895). C’est donc avec bonheur et empressement que j’acceptais d’expérimenter pour de bon cette fois-ci l’hypnose.

Allais-je enfin connaître l’insouciance face à cette insolente aiguille menaçante ?

Je ne suis pas dérangé par la douleur. Je n’aime pas l’autre possibilité » ce que Milton Erickson pouvait dire ! (1)

En deux séances d’hypnose, véritable thérapie brève, l’infirmière hypnothérapeute, madame B, me fit revivre des souvenirs oubliés régression/hypermnésie : avoir 5 ou 6 ans et regarder le médecin de famille faire bouillir de l’eau dans une petite casserole toute cabossée sur la gazinière de la cuisine pour désinfecter les seringues en verre et les aiguilles grosses comme des aiguilles à tricoter n°2… !

hypnose

L’hypnose, un art de vivre

Vous êtes, chers amis lecteurs, hypnothérapeutes ou non, probablement nombreux qui n’auront jamais l’occasion et la surprise, ni de voir, ni d’imaginer que « le recyclage et la désinfection » se pratiquait toujours au siècle dernier à la campagne. Bienvenu au 21ième  siècle avec son lot de seringues et d’aiguilles jetables. Aujourd’hui guéri de cette phobie grâce à cette infirmière hypno-thérapeute, madame B (peut-être se reconnaîtra-t elle si par hasard un jour ou non elle tombe sur cet article) je m’interroge sur le fait que la formation à l’hypnose ne soit pas obligatoire dans les écoles d’infirmières ; ceci dit et bien que quelques réminiscences subsistent encore quand je croise une seringue surmontée de son inséparable aiguille, cette résurgence de l’hypnose fut pour moi un empressement à me plonger dans internet (eh oui !) puis dans la lecture de nombreux livres (commandés sur internet : eh oui !) qui sont consacrés à cet art. « L’hypnose, un art de vivre » : François Roustang. (1923-2016)

 

Puis ce fut une formation à l’hypnose Ericksonienne dans un centre de formation, avec ce bonheur de plonger par moi-même dans cet état de veille intense et de pratiquer l’auto-hypnose à partir du modèle d’Elisabeth (Betty) Erickson. Après ce fluff et tout en espérant ne pas vous avoir mis dans un état de veille paradoxale, j’allais, dans des conditions post-opératoires et anxiogènes, tenter de mettre en pratique mon auto-hypnose, ce qui devient une gageure dans ces moments là, alors qu’en situation ordinaire et sans anxiété sa pratique relève généralement d’un bon entraînement pour être efficace.

Alors même qu’attendu en hôpital de jour pour une banale dilatation de sténose de l’oesophage par endoscopie, anesthésié générale, acte de soin et réveil en fin d’intervention ; « Tête en l’air » que je suis …. j’oublie de respirer après l’extubation. Bien heureusement, le chirurgien réagi immédiatement en me faisant une trachéotomie de sauvetage.

Dorénavant, lors de prochaine anesthésie je ferai un nœud à mon mouchoir* pour éviter de nouvelles complications post-opératoires.

 

Émergeant des bras de Morphée déesse d’Hypnos, suite à l’induction chimique de l’anesthésiste, me voilà entouré de gens masqués très affairés à installer un paravent, à demander plus de lumière et s’agitant autour de moi, tentant de m’expliquer que j’avais fait un arrêt respiratoire, mais que tout allait bien maintenant….on se serait cru dans le feuilleton de la télé : Grey’s Anatomy.

Dans cet état, ayant fait en plus un double pneumothorax, respirant donc avec peine, penché au dessus de moi, un homme habillé tout de vert : étais-je sur une autre planète ! et masqué … ne voulait-il pas que je le reconnaisse !! me dit que « tout irait mieux dans quelques instants (saupoudrage) et que je pourrai à nouveau respirer normalement après qu’il m’ait fait un drainage pleural et que ce n’était pas douloureux car il allait faire une anesthésie locale….piqures, piqures, piqures … et que je n’aurais pas de cicatrice !!! ».

Cicatrices ou non, cela était loin de mes soucis immédiats.

 

C’est là, qu’avec le peu de ressources conscientes qu’il me restait je tente l’autohypnose espérant entrer dans une transe que je souhaite profonde.

Je ne peux dire si oui ou non j’y étais ; mais étonnamment, ce dont je me souviens c’est que le temps était absent, que je n’ai pas souffert malgré la pause d’un cathéter avec de nouveau une anesthésie locale …piqûres, piqûres, piqûres… deux allers-retours prioritaires au scanner et que j’ai entendu tout ce que les médecins me disaient.

Après réflexion, il n’est pas improbable que le médecin anesthésiste m’ait accompagné durant tout ce temps avec de l’hypnose conversationnelle.

Il me parlait beaucoup, me demandait ce que je faisais professionnellement et donnait l’impression d’être très intéressé par mes propos, alors qu’en vérité il était avec ses collègues très soucieux de ce qu’il était arrivé tant à eux qu’à moi.

 

Cette auto-hypnose ne fut pas le modèle appris consciencieusement, pratiqué mainte fois et même enseigné parfois à quelques amis que je mis en application ce jour là, mais ce qui s’est passé fut plutôt quelque chose qui a été en dehors du raisonnement, une forme de voile qui part du haut de la tête et qui me recouvre jusqu’aux pieds « Tu enveloppes les corps de doux liens(2) » me protégeant pour me permettre de me sentir bien ainsi et éloigné du monde extérieur celui où l’équipe chirurgicale faisait admirablement bien son job d’urgence.

Pour terminer, je dirais que le fait d’avoir mis sur papier ce récit est très thérapeutique comme me le disait Sophie Cohen dans un mail d’octobre 2016 Rédactrice en Chef de la Revue Hypnose et Therapies Brèves.

Bandler et J.Gringer* : « La Structure de la Magie » InterEditions : Préface de Virginie Satir, Milton Erickson et Grégory Baterson.

*Traité pratique d’hypnose : M.Erickson, E.L.Rossi & S.Rossi

(1) Hypnose & Thérapie Brèves hors série n°6 page 53

(2) Hypnose & Thérapie Brèves hors série N° 9 page 13 : Hymnes orphiques

* faire un nœud à son mouchoir. Me rendant compte que de nombreux jeunes ne connaissent pas cette explication : faut dire que le mouchoir tissus est remplacé aujourd’hui par le Kleenex® . Essayer d’y faire un nœud, qui plus est jetable…et que devient le nœud après cela ! Cette expression désigne une action permettant de se rappeler que l’on doit faire ou ne surtout pas oublier quelque chose à faire.

À PROPOS DE L’AUTEUR : C’est dans le cadre de mes correspondances avec des praticiens en hypnose que je vous présente ce témoignage en humour portant sur les bienfaits de l’auto-hypnose. Patrice Marvanne oeuvre en spécialiste en Formation, Conseil & Coaching et burn-out, dans les secteurs de la santé. Formé à l’hypnose Ericksonienne en 2016 chez Xtrema, il pratique les approches développées par Milton Erickson en formation et en Lean Management.

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