Freud et l’hypnose: une préhistoire de la psychanalyse
Peu de gens savent que Freud a utilisé l'hypnose et l'hypnothérapie comme princiale modalité thérapeutique pendant une décennie.
Après l’avoir pratiqué pendant plus d’une décennie, sous la supervision des médecins gravitant autour de l’hôpital de La Salpêtrière à Paris, Freud savait utiliser habilement l’hypnose à des fins cliniques.
Freud a-t-il construit la méthode psychanalytique en s’inspirant de l’hypnose?
Selon certains historiens de la psychanalyse Freud était un fervent utilisateur de l’hypnose clinique. Après avoir passé l’hiver en «stage» à la Salpêtrière, il revient à Vienne, au printemps 1886 pour y pratiquer la neurologie.
Il y utilise alors de plus en plus l’hypnose, méthode en vogue à Paris, qu’il avait étudié auprès de Charcot. Au début de sa pratique, il utilisa également l’électrothérapie, mais seulement pour un temps. Freud constata rapidement que «les succès du traitement électrique – quand il en est – ne sont dus qu’à la suggestion médicale.»¹
Après quelques années de pratique de l’hypnose, il va se ressourcer à Nancy auprès de Bernheim à l’été 1889. Il s’entend avec Bernheim pour traduire son livre «De la suggestion et de ses applications à la thérapeutique.»
Poursuivant sa carrière de neurologue, il intensifia sa pratique de l’hypnose, si bien qu’il en fut reconnu comme un des spécialistes. En 1891, il publia un texte sur l’utilisation clinique de l’hypnose, qui encore aujourd’hui, brille par sa pertinence et la justesse de ses recommandations et de ses précisions.
On peut retrouver ce texte en anglais dans le volume 1 de la « Standard Edition of the Complete Psychological Works of Sigmund Freud » (trad. Strachey) par Hogarth Press, London, et en français dans cet article). En voici un commentaire éclairé.
Commentaire sur le texte «hypnose» de 1891
Dans ce texte, Freud mentionne que l’utilisation de l’hypnose à des fins thérapeutiques reste une opération complexe, qui demande préparation et formation spécialisée pour le thérapeute:
« Le médecin qui veut hypnotiser devrait l’avoir appris d’un maître dans cet art…»
Il mentionne également l’importance d’acquérir de l’expérience qui
« conférera à son comportement face au patient une sûreté qui ne manquera de susciter, chez ce dernier aussi, l’attente d’un nouveau succès thérapeutique.»
Pour Freud, il importait de ne pas imposer le traitement hypnotique sans le consentement du client. Freud laissait toujours le choix à ses clients d’accepter ou non cette technique de la suggestion. Il était conscient des préjugé chez le public qui déjà à l’époque, était en proie au mysticisme répandu sur l’image de l’hypnose par certains artisans du spectacle tel que l’hypnotiseur de scène «Carl Hansen».
Il n’exigeait pas que ses clients «croient» en l’hypnose. Pour lui, il n’était pas questions de croyance, mais d’attention et de collaboration:
«Je n’exige pas votre foi, mais simplement votre attention et quelque docilité au début».
Les indications médicales de l’hypnose
Pour Freud, les indications de l’hypnose étaient difficiles à nommer, étant donné les multiples facteurs humains en jeux. Mais il pouvait quand même se positionner pour l’essentiel:
«En général, on évitera d’attaquer par l’hypnose les symptômes qui ont un fondement organique et l’on n’utilisera cette méthode que pour lutter contre des troubles nerveux purement fonctionnels, des maux d’origine psychique et des accoutumances toxiques ou autres.»
Selon ce jeune neurologue de l’ère victorienne (c’est encore l’opinion des professionnels de la santé) même si certains symptômes de maladies «organiques» peuvent être atténués par l’hypnose clinique , ces maladies doivent être traitées dans un cadre médical.
Le déroulement d’une séance d’hypnose
Lorsque Freud nous décrit le déroulement d’une séance d’hypnose, il insiste sur le juste dosage de suggestions :
«Je vois bien que cela va vite avec vous, votre visage a déjà pris une expression figée, votre respiration est devenue plus profonde, vous voilà tout à fait calme, vos paupières sont lourdes, vos yeux papillotent, vous ne voyez plus distinctement, à l’instant vous allez être forcé de déglutir, puis vos yeux se fermeront et vous dormirez.»
Cette technique efficace permet l’accompagnement du patient dans le processus d’hypnose. Il mentionne également l’obscurité de la pièce, de l’environnement calme. Pour Freud, il est important que le patient ferme ses yeux.
«On n’a pas besoin de plus de deux à quatre minutes pour que les yeux se ferment ; s’ils ne sont pas fermés spontanément, on les lui ferme, sans se montrer étonné ou dépité, du manque de fermeture spontanée des yeux. Si, maintenant, les yeux sont fermés, on aura atteint un certain degré d’influence hypnotique. C’est cela qui est le facteur déterminant pour toute la suite.»
«Mais je ne dors pas du tout!»
Il arrive que le client, même après avoir été débriefé sur ce qu’est l’hypnose clinique et le mécanisme d’activation de la transe «parasympathique», subisse une crise conscience autocritique.
Il s’auto-observe, s’analyse, se met à douter et se dit :
«Je ne suis pas en hypnose, ça ne fonctionne pas, je le savais…»
Voici comment Freud décrivait le soliloque mentalisé qui nourrissait ce doute :
«il s’en irrite, se sent mal à l’aise de ne pouvoir extérioriser cela, redoute bien aussi que le médecin lui applique trop rapidement la suggestion parce qu’il le tient pour hypnotisé tandis qu’il ne l’est pas.»
C’est alors que le client ouvre les yeux et dit avec agacement: «Mais je ne dors pas du tout.»
C’est alors que Freud nous conseille amicalement de ne pas paniquer!
«Celui qui a de la pratique ne perd pas contenance.»
Il propose même une réplique à prononcer tout en refermant les yeux du client:
«Restez calme, vous avez promis de ne rien dire. Je sais bien que vous ne « dormez » pas. D’ailleurs ce n’est pas du tout ce qu’on vous demande. A quoi cela rimerait-il que je me contente de vous endormir; mais vous ne me comprendriez pas quand je parle avec vous. Vous ne dormez pas, mais vous êtes hypnotisé, vous êtes sous mon influence ; ce que je vous dis, maintenant fera sur vous une impression particulière et vous sera utile.»
Il importe également de calibrer la profondeur de la transe et de l’égayer de sa créativité de clinicien.
Selon Freud:
«La profondeur de l’hypnose n’est pas dans chaque cas en rapport direct avec son succès.»
Il explique que dans certains cas, l’hypnose, même légère, provoque des changements souhaitables et durables. Mais il évoque également la possibilité d’échecs.
«Tandis qu’aucun malade n’a le droit de s’impatienter lorsque la vingtième séance électrique ou la vingtième bouteille d’eau minérale n’a pas encore apporté de guérison, il est de fait que, lors d’un traitement hypnotique, médecin et patient se fatiguent beaucoup plus tôt, par suite du contraste entre les suggestions intentionnellement maintenues en rose et la grise réalité.»
Pour parer à cette monotonie et augmenter le taux de succès, Freud propose de redoubler d’ardeur et de créativité. On reconnait ici le caractère vigoureux de cet homme dynamique et déterminer et ambitieux:
«Dans chaque traitement hypnotique poursuivi, il faut éviter soigneusement de se montrer monotone. Il faut que le médecin invente constamment une nouvelle amorce pour sa suggestion, une nouvelle preuve de sa puissance, une nouvelle variante de la procédure hypnotique.»
La ferveur de Freud envers l’hypnose, mais surtout dans sa mission, de façon générale, était remarquable, et commune à tous les grands constructeurs et innovateurs, comme les Pasteur, Einstein, Tesla et Edison de cette fin du 19ᵉ siècle.
Conclusion : le futur de l’hypnose
«Il ne fait aucun doute que le domaine de la thérapeutique par l’hypnose dépasse très largement celui des autres méthodes curatives des maladies nerveuses.» – Freud
On sait que Freud fut un fervent adepte de l’hypnose pendant une décennie. Après l’avoir utilisé pour explorer l’inconscient de ses patients, il finit par développer d’autres outils comme la technique de l’association libre. Mais ces techniques «psycho-analytiques» dérivent toutes de l’hypnose.
La suggestion n’apparaît plus verbalement, mais par des registres plus subtils… Il est ironique de constater, dans un drôle de paradoxe temporel surréaliste que seule une exégèse attentive peut permettre, que Freud fait écho, en 1891, à ses propres arguments en faveurs de la psycho-analyse qu’il prononcera plus tard.
«Le reproche selon lequel l’hypnose n’est capable d’influencer que les symptômes et ceci seulement pour peu de temps, est également injustifié. Si la thérapeutique par l’hypnose s’attaque seulement aux symptômes et non aux processus morbides, elle suit justement la même voie que celle que sont forcées d’emprunter les autres thérapeutiques.»
Freud rappelle que la pragmatique l’emporte sur la rigidité dogmatique:
«Si l’hypnose a eu du succès, le maintien de la guérison dépend des mêmes facteurs que ceux de toute guérison obtenue d’autre manière. S’il s’est agi des séquelles d’un processus éteint, la guérison sera durable; si les causes qui ont engendré les symptômes de la maladie continuent à agir avec une vigueur intacte, la récidive est vraisemblable. En aucun cas, l’utilisation de l’hypnose n’exclut celle d’une autre thérapeutique éventuelle, diététique, mécanique etc.»
En bon père de famille, il ne manque pas d’appuyer la méthode hypnotique de sa caution. On peut même lire dans cette suggestion, le prolongement de la Catharsis, la naissance de la psycho-analyse:
«Dans une série de cas où les manifestations de la maladie sont d’origine purement psychique, l’hypnose satisfait à toutes les exigences que l’on peut avoir à l’égard d’une thérapeutique causale, et en interrogeant et calmant le malade sous hypnose profonde on obtient la plupart du temps le plus brillant des succès.»
Le psychologue engage donc activement ses interventions vers le changement, vers la prévention.
Le psychologue cherche à communiquer stratégiquement pour émuler le changement, pour le provoquer, pour l’encourager.
Souvent le changement apparaît spontanément. Le bon psychologue sait développer son oreille, sa capacité d’observation et d’analyse pour saisir cette opportunité et capitaliser sur sa réapparition. Son but sera alors de comprendre et d’identifier les facteurs contributifs à leur apparition pour pouvoir les reproduire et les encourager.
Travailler sur le volet prévention savamment intégré à l’intervention, est un art que l’on acquiert avec l’expérience. C’est cette même expérience qui nous permet de valider comment la prévention est beaucoup plus efficace que la simple intervention sur les symptômes.
Coach personnel, mise en garde
Quand on pense à consulter un coach de vie, mon conseil est de vérifier si vous ne pourriez pas opter pour un psychologue. Mes recherches me confirment que les coûts sont relativement les mêmes. Pourtant la profession de psychologue est réglementée et régie par un Ordre professionnel, un code de déontologie très stricte.
Et les coûts du service de psychologie incluent une tenue de dossier, un peu comme chez le notaire. Les dossiers sont conservés dans un endroit sécuritaire, pendant cinq ans. Après quoi, ils doivent être détruits.
Les gens comprennent bien cette différence et cherche à consulter un psychologue qui agira comme un coach. Ainsi, ils ont le meilleur des deux mondes:
L’approche orientée vers la réalisation des objectifs et la recherche de solutions efficaces, couplée avec la rigueur scientifique garantie par la déontologie, régulée par un Ordre professionnel très vigilant.
¹(1925) S. Freud présenté par lui-même, Gallimard, Paris, 1984, p. 28.