L’hypnose clinique est une discipline médicale et psychologique forte de 200 ans d’histoire et de recherche scientifique. Des chercheurs de l’Académie des sciences comme le Baron Hénin de Cuvillers ou l’Abbé Faria, professeur de philosophie furent les premiers à établir la doctrine de la méthode de l’hypnose par la suggestion. Pour approfondir le sujet, je vous propose mon livre disponible sur Amazon.
Baron Hénin de Cuvillers, le précurseur
Le terme hypnose tire son étymologie du grec ancien Ὕπνος (« Hýpnos ») signifiant sommeil. Un « imaginationniste », Étienne Félix d’Henin de Cuvillers (1755–1841), explique dans son livre « Le magnétisme éclairé » publié en 1820, l’impact des suggestions sur des sujets en état d’hypnose.
Selon Hénin de Cuvillers, les « magnétistes » étaient des charlatans, car ils croyaient à l’existence d’un fluide magnétique universel pouvant contrôler les destinées des êtres vivants.
Sur la base de ses connaissances en physiologie et en « psycologie », il fit de l’étude de l’hypnose, une discipline scientifique. En tant que membre de la Société Académique des Sciences, il observa et étudia le phénomène avec rigueur et méthodologie scientifique dès 1814.
S’inspirant du dictionnaire de l’Académie française dans lequel, déjà à l’époque, on trouvait le mot « Hypnotique », il crée les termes hypnoscope et hypnoscopie.
Hypnoscope « désignera ceux qui voyent pendant le sommeil » (p.132)
Hypnotiste imaginationniste

En lisant le « Le magnétisme éclairé », on comprendra qu’il ne parle pas ici de ce que l’on voit pendant le rêve ou encore du rêve lucide, qu’il désigne plutôt par Oniroscopie (v. p134).
En fait, lorsqu’il crée le terme « hypnoscope », il aborde l’idée que l’hypnose implique l’imagination, ce qu’on désigne aujourd’hui par visualisation.
C’est d’ailleurs pourquoi il se désignait comme « hypnotiste imaginationniste » par opposition aux « magnétistes » qui vouaient une foi irrationnelle envers un « fluide magnétique » dont Hénin de Cuvillers ne tarissait pas de véhémence pour en nier l’existence.
Cet ouvrage visait à porter un éclairage de rigueur sur les croyances mystiques enrobant le magnétisme et également de toute une catégorie de « guérisseurs » qui misaient surtout sur l’effet placebo de leurs procédures et rituels.
Dans son étude, il décrivait également, comment dans l’Histoire, les charlatans, tel que les magiciens guérisseurs, les « toucheurs » qui apaisaient les symptômes par l’imposition des mains, les « sourciers » utilisateurs de « baguettes divinatoires » qui semaient habilement la confusion et taxaient la crédulité des paysans.
Son objectif était d’éclairer tous ces phénomènes en les expliquant par l’hypnose. En ce début de 19e siècle, il n’était pas le seul à vouloir expliquer rationnellement ces phénomènes.
L’école imaginationiste
Ses réflexions étaient partagées par
- l’abbé Faria (Jose Custodio da Faria),
- le médecin Alexandre Bertrand,
- le philosophe Maine de Biran et
- le général François Joseph Noizet
qui se considéraient «imaginationnistes» car, contrairement à Franz Anton Mesmer, ils ne croyaient pas à l’existence d’un fluide magnétique universel.
Le pouvoir de l’imagination
Les tenants de cette école de pensée croyaient plutôt au pouvoir des suggestions de l’imagination. Ces suggestions que Maine de Biran définissait en 1820
« ce qui vient à l’esprit, inspiration, révélation »
(MAINE DE BIRAN, Journal, p. 270);
En résumé, pour Hénin de Cuvillers, l’hypnose ouvrait la porte à une façon plus lucide de vivre, de réfléchir, de parler.
En cela, cette thèse rejoignait celle de l’Abbé Faria, ce docteur en philosophie et professeur à l’Université de France, qui contestait, à l’instar du Baron Cuvillers, la réalité du « Fluide Magnétique ».
Faria parlait du phénomène hypnotique comme d’un sommeil lucide dont un traité fut publié en 1819 sous le titre : « De la cause du sommeil lucide ». Pour Cuvillers, les «hypnologues» ne sont pas ceux qui pratiquent l’hypnose, mais plutôt ceux qui parlent pendant le sommeil
(Le magnétisme éclairé, p.198) et ainsi l’hypnologie était la science qui a pour objet l’art de faire parler les hypnologues. La procédure « imaginationniste » d’hypnoscopie obéissait aux lois de physiologie et de psychologie connue de l’époque, et avait des visées thérapeutiques.
Docteur James Braid, chirurgien
Quelques années plus tard, après la mort de Napoléon, un autre chapitre de l’histoire de l’hypnose s’écrira en Écosse avec le médecin James Braid.
En 1843, il publiera « Neurypnologie, Traité du sommeil nerveux ou hypnotisme, considéré dans ses relations avec le magnétisme animal. » Braid utilisera donc, lui aussi, le terme d’hypnotisme qu’il qualifiera de sommeil nerveux ou « nervous sleep » qui était selon ses expériences et observations, un état ou une condition différente du sommeil, dans laquelle une partie seulement de la conscience est en état de sommeil.
Braid fait référence aux termes avancés par Hénin de Cuvillers

Le docteur Braid n’est pas un supporteur de la thèse « imaginationniste » car pour lui, la phase d’induction de la transe hypnotique, ne dépend pas uniquement de la visualisation, mais plutôt d’une concentration « abstraite » qui permet au patient de fixer ses pensées et visualisations sur un point fixe et réduire le rythme de la respiration.
“I attribute it to the induction of a habit of intense abstraction, or concentration of attention, and maintain that it is most readily induced by causing the patient to fix his thoughts and sight on an object, and suppress his respiration. »
Braid, J., « Hypnotism » (Letter to the Editor), The Lancet, Vol.45, No.1135, (31 May 1845), strony 627-628.
Braid utilisera efficacement l’autohypnose, et aura le mérite de décrire avec précision une méthode d’induction et ses effets, en termes physiologique. Il utilisera l’hypnose dans sa pratique médicale pendant une vingtaine d’années avant de mourir.
En parlant de ses évidences cliniques, il soulignait que l’effet de l’hypnose était généré et résidait entièrement chez le patient et non en dehors de son corps, de sa volonté, ou de sa conscience.
Braid, J., « Hypnotism [Letter to the Editor, written on 26 February 1860] », The Critic, Vol.20, No.505, (10 March 1860), p.312
Sa définition de l’hypnose clinique reste celle qui aujourd’hui est la référence chercheur et praticien de l’hypnothérapie. On en retrouve des échos dans la définition la plus récente adoptée par l’Association Américaine de Psychologie.
Dr. Rémi Côté : psychologue à Montréal